Portraits et caricatures de Fuzin, l’enfant d’un autre temps

Depuis quelques années, André Hebbada, dit Fuzin, vit dans l’Yonne. Ses portraits et caricatures sont empreintes d’une belle sensibilité tracée par une vie atypique et le plébiscite des plus grands. Mais comment ce génie du dessin s’est-il construit ?

Le trait de l’enfance et le destin au bout du fusain

Papa et maman ne s’entendent plus. Alors André est confié à sa mère qui a du mal à gérer sa vie avec un enfant. Elle l’oublie à l’assistance publique dans l’Est de la France. C’était une belle région parfois un peu froide avec les petits enfants typés algériens. André comprend vite que des beaux yeux bleus et une crinière blonde lui auraient permis de voir papa au salon comme les copains et non à la grille de l’Orphelinat. Habitué des exclusions et des brimades d’un autre temps, André – dit Fuzin – n’est pas bavard mais il griffonne en classe ou pendant les punitions. André griffonne tout le temps et trace son destin au bout du fusain !

Vient ensuite le temps de la sortie de l’Orphelinat, le temps des contrôles de police musclés contre les membres du FLN. Papa est inquiet et renvoie le fiston au Pays alors qu’un vent d’indépendance souffle sur l’Algérie. Notre adolescent français est donc dans cette famille et dans ce pays tourmenté qu’il ne connaît pas… Alors il griffonne encore et encore au point d’être repéré et d’en faire son métier soutenu par des Maîtres qui lui apprennent à vivre de son talent.

Retour en France de Fuzin

André vit de son dessin. Il est devenu peintre en lettres et dessine, au doigt levé, les belles enseignes toutes en courbes et en raffinement. Le trait est parfait car André a appris, depuis longtemps, à dessiner avec le cœur. Evidemment ça ne plait pas forcément à des collègues envieux de la confiance et de la proximité avec le patron. Ce dernier devient alors Meilleur Ouvrier de France préparant cette gratification aux côtés d’André.

Les tensions sont de plus en plus vives et André doit quitter l’entreprise. Courageux, il démarche la concurrence. Il reste dessinateur mais devient aussi un commercial redoutable car il sait de quoi il parle. Peugeot Champs Elysées et d’autres enseignes de prestige le sollicitent. On l’envoie en Europe pour partager le talent du French dessinateur. André devient patron, rachète l’entreprise qu’il avait dû quitter. Mais ses anciens collègues n’acceptent pas la main tendue de celui qu’ils avaient combattu. Volant le fichier clients, ils s’érigent en concurrents. André n’ayant jamais été un guerrier, il liquide la société et part vers d’autres aventures.

Fuzin, plus rapide que les espagnols … comme un air de Forest Gump !

En 2008 et 2009, Carlos Sastre et Alberto Contador sont respectivement sacrés vainqueurs du Tour de France. Mais en coulisse, André reste imbattable ! A une vitesse qui surprend les dirigeants du Tour, il dessine les arrivées sur des bâches de 2,50 par 1,50 mètres. Tout y est ! La posture, l’effort, l’émotion… André enchaine les étapes et voit ses trophées offerts aux villes d’arrivée. « André, tu vas trop vite et tu aimes les gens alors ce serait bien que tu nous fasses des caricatures à l’arrivée ! » C’est parti et rien ne l’arrête plus ! Cours Forest… cours !